Chapitre 2 : La lente descente vers la souffrance
L'obscurité fit peu à peu place à la lumière. Keikoku se sentait comme entouré d'une étrange brume, comme si il était devenu lui-même immatériel. Une voix bienveillante se fit alors entendre. D'abord faiblement, c'est tout juste si on pouvait l'entendre, puis légèrement plus fort à chaque appel. Pour finir Keikoku y fit attention et reconnut la voix de sa mère. La brume s'évanouit brusquement et la lumière jaillit alors. Il venait d'ouvrir les yeux. Il était dans leur maison. Sa mère était assise à ses côtés. Il essaya de bouger mais il remarqua qu'il avait beaucoup de mal à le faire.
"Ne bouge pas trop mon chéri, lui recommanda sa mère, n'oublies pas que tu as été gravement blessé.
-Alors ce n'était pas un rêve.
-Et si tu m'expliquais ce qui s'est passé ?"
Keikoku revint alors brusquement à la réalité.
"Vite maman, il faut partir loin d'ici. Sinon des méchants monsieurs vont vouloir te tuer.
-Me tuer ? Mais pourquoi donc voudrait-on me tuer ? lui répondit-elle en souriant.
-Un garçon est venu me voir et il m'a dit qu'il était mon demi-frère. N'est-ce pas que c'est faux ?
-C'est malheureusement vrai, fit-elle en soupirant. Et que t'as dit ce garçon ?
-Qu'il allait tous nous faire tuer.
Le sourire qui restait toujours sur le visage de sa mère s'évanouit brusquement. Elle se représentait bien le danger que cela pouvait représenter. Elle se mit à courir dans toute la maison, préparant quelques vivres et habits. Elle revint quelques minutes et tendit un ballot à Keikoku.
"Je sais que tu ne t'es pas encore remis de tes blessures mais il faut que tu partes, et vite.
-Mais et toi maman ? Tu viens avec moi ?
-Je suis désolé mon chéri mais je vais devoir rester ici."
Keikoku ne se doutait alors pas de ce qu'il allait se passer dans l'immédiat. Il savait qu'on s'en prendrait à sa mère mais il ne pensait pas que ça tournerait ainsi. Alors qu'il allait sortir de la maison, chancelant encore un peu mais étant assez remis de ses blessures, il vit la porte voler en éclats. Deux hommes entrèrent alors, le poussant contre le mur, comme si il n'existait pas. Puis ils réapparurent peu de temps après, tenant tous les deux une main de la mère de Keikoku, qui essayait tant bien que mal de se dégager de leur étreinte. Lorsqu'elle aperçut Keikoku, qui était bouche bée à regarder la scène, elle se mit à hurler :
"Keikoku va-t-en. Vite. Va à la cachette secrète où tu as l'habitude d'aller. Ils ne pourront pas te trouver là-bas. Je t'en prie, survis. Fais-le pour moi. Fais-le..."
Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase car un des deux hommes venait de la frapper. Les deux hommes firent alors attention pour la première fois à Keikoku. Mais celui-ci venait de disparaître. Il détalait, tel un lapin, vers la forêt la plus proche. Ses blessures étaient loins d'être guéries mais la peur l'empêchait de les ressentir. A l'orée de la forêt il souleva une partie de buisson et se calfeutra dans un trou qui le couvrait à moitié, l'autre moitié étant camouflée par le buisson. Lorsque l'on regardait de l'extérieur, ce buisson semblait tout à fait normal. C'était sa cachette préférée. Il allait s'y réfugier tout le temps lorsqu'il voulait être tout seul. Peu de temps après, ils arrivèrent non loin. Ils étaient quatre hommes en tout, dont les deux qui avaient pénétré brutalement dans la maison et qui tenaient toujours aussi fermement sa mère. Pourtant cela lui semblait étrange de ne pas le voir...
Et d'un seul coup il apparut...Shinrei était encore avec son garde du corps et donnait quelques ordres aux hommes. Il ne devait pas se douter que Keikoku était non loin. Il se mit d'un seul coup à crier :
"Keikoku ! Montre-toi ! Sinon je tuerai ta mère !"
La mère de Keikoku prit alors la parole :
"Ne l'écoute pas, même si tu viens il me tuera !"
Elle ne put en dire plus car elle venait à nouveau de se faire frapper par un des hommes et s'était fait bailloner cette fois-ci. Shinrei, qui n'était pas très patient, attendit peu de temps puis sortit son sabre et l'avertit une dernière fois :
"Très bien, tu l'auras voulu..."
Il commençait à armer son coup mais Keikoku était paralysé, il n'arrivait pas du tout à bouger. Il vit le sabre pourfendre l'air d'une manière lente mais qui paraissait en même temps si rapide. D'un seul coup, il le vit se planter dans le ventre de sa mère. Shinrei avait non pas décidé de la tuer directement mais de la laisser agoniser sur le sol. Après avoir accompli son travail, il fit un signe à un de ses hommes qui partit quelques minutes vers la maison puis repparut. Keikoku vit alors ce que Shinrei avait demandé de faire. La maison prenait feu !
Keikoku était en larme devant le triste désastre qui se déroulait devant lui : son père les avaient trahis, sa mère était en train de mourir en baignant dans son sang, leur maison et tous leurs biens brûlaient. Il restait pourtant toujours aussi paralysé lorsqu'il les vit partir puis finit par redevenir suffisamment conscient pour sortir des buissons et aller voir sa mère, mourrante...