Le début d'une formation...sauvage.

Le Loup ouvrit la porte de la salle et alluma les chandelles fixées aux murs. La zone était dégagée, les mannequins de bois rangés dans un coin, diverses armes rangées sur leurs présentoirs attendaient d'être utilisées. La salle était insonorisée, on pouvait s'y donner à coeur joie sans embêter ni les gens de l'antre, ni de Port-Louis.

Luun attendit que Gabrielle entre et referma la porte derrière elle, en abaissant le loquet. Ils seraient tranquille et non dérangés. le Loup tomba sa veste ainsi que sa chemise et dégaina sa lame.


Avant de t'apprendre quoi que ce soit je dois voir de quoi tu es capable. Prépare toi.


Luun ne lui laissa guère le temps que de dégainer, que déjà il se fendait en avant et ciblait de sa lame son épaule d'un coup vif et direct. Gabrielle avait de grands objectifs? Le Loup lui fournirait un entraînement digne d'eux. Elle allait devoir suivre le rythme...


[hrp: merci de ne pas poster ici, Rp entre Luun et Gabrielle]

- Dites donc, ça m'a l'air sacrément bien équipé ici et.... héééé !

La Princesse des Mers n'avait pas fini sa phrase que déjà, le Loup Blanc portait la première attaque.

Si Gabrielle avait réussi à survivre jusqu'alors, c'était pour une seule et unique raison : elle avait l'esprit nettement plus vif que celui du corsaire moyen, ce qui constituait un net avantage lorsqu'on désirait prendre la poudre d'escampette avant que quiconque n'ait eut le temps de réaliser quoique ce soit. Ou alors, quand on voulait esquiver les mauvais coups.

Comme juste à ce moment précis.

Seulement voilà, Luun n'était pas exactement du même calibre que les soudards écumant les pires bouges de Liberty. Ses réflexes et sa vivacité empêcherent la jeune femme d'avoir l'épaule épinglée nette, certes, mais ce n'est pas pour autant qu'elle parvint à éviter totalement l'assaut.

"Scraaaaaak"

C'était un peu embarassant. La lame venait d'arracher un morceau de l'étoffe de sa chemise, au niveau de l'épaule, emportant dans le même mouvement un peu de chair et de sang. Et l'apprentie escrimeuse de protester avec véhémence et indignation :

- Aïe ! Mais vous êtes malade ?! Vous avez failli me trouer l'épaule ! Ah, ça ne va pas se passer comme ça !

D'un geste souple, elle dégaina le joli fleuret que lui avait offert Morgane.

Elle attrappa la flasque au vol d'un geste qui n'était pas aussi vif qu'à l'accoutumée. A l'évidence, la Princesse des Mers était épuisée par l'échange. Réprimant la sensation de nausée qui lui montait à la gorge, elle s'appuya contre un des murs de la pièce, pantelante, la respiration irrégulière et saccadée.

- Uuhh... uhhh... Je... je n'ai plus l'habitude... de ce genre d'exercices...

D'une main fébrile, elle déboucha la gourde jetée par Luun et ne tarda pas à la vider de tout son contenu, aussi rapidement que son souffle court le lui permettait. Son rythme cardiaque revenant peu à peu à la normale, elle constata que sa chemise... n'avait plus de chemise que le nom. A travers les lambeaux du vêtement apparaissaient désormais nettement les bandelettes de tissu blanc enserrant étroitement sa poitrine de jeune fille de dix-sept ans. Si le visage de Gabrielle était déjà rougi par l'effort, il devenait maintenant complètement cramoisi.

- ...

Elle se détourna d'un mouvement rapide, trouvant un intérêt nouveau dans la contemplation des moellons du mur qui lui faisait face.

- Erm... Avant de reprendre, il va me falloir une nouvelle tenue.

Le Loup avait pensé vérifier les blessures de Gabrielle, mais finalement non. A la place il larda son bras superficiellement d'un coup de lame en revenant à ses côtés juste alors qu'elle parlait d'une nouvelle tenue. Son regard posé sur elle était violent, il montrait une détermination à tuer.


Que t'importe-t-il, que je vois plus de chair nue que tu n'en daignes montrer d'accoutumée, ou que j'ai la possibilité de couper ta gorge de mon sabre? Debout.


Luun frappa sur sa lame pour ponctuer son ordre. Il ne lui laissa guère de temps avant de reprendre ses attaques. Cette fois il ne cherchait plus à la toucher, juste à frapper violemment sur l'arme de son élève. Les leçons allaient en s'enchaînant, il verrait après si elle les avait comprises. Entre certaines frappes toutefois il lui parlait:


Tu n'as que faire des apparences.

Tu n'as que faire que ce soit de la flanelle ou du coton.

Tu n'as que faire de boire du rhum ou de l'urine.

Tu nas que faire de manger un steak ou du rat.


Tu ne dois penser qu'à une chose: survivre!

Survivre pour l'instant est ton seul but. Quand tu te seras améliorée tu pourras penser à agir. En attendant tu dois apprendre à ne pas perdre la vie, et c'est peut-être le plus difficile.

Gabrielle se redressa péniblement, les jambes tremblantes. Elle n'était pas du genre à abandonner ni se laisser faire... Seulement voilà, elle aimait généralement disposer d'une porte de sortie, au cas où les choses tournent trop mal. Or, dans entre les quatre murs de cette salle d'entraînement, dont la seule issue était fermée au loquet, elle commençait à éprouver une dangereuse sensation de claustrophobie.

Survivre.

Puisqu'elle n'avait pas d'autre choix, il lui fallait reprendre le combat. Elle affermit sa prise sur la garde de son fleuret, et se remit en garde, réprimant un grognement de douleur lorsque son bras d'arme lacéré la lança.

- Très bien... Dans ce cas... Vous ne verrez pas d'inconvénient si je prends les devants !

Et la Princesse des Mers de s'élancer sur Luun dans un assaut aussi désespéré que furieux.

Elle se réveillait. Elle y était. Intérieurement le Loup sourit. Cette "petite", cette "capitaine" avait l'air d'avoir ce qu'il fallait de courage et de volonté pour réussir ici. Il ne semblait pas s'être trompé. Magnifique.

Le Loup dut se concentrer un peu plus et la sueur perla doucement sur ses muscles bandés. La rage et la peur, s'ils sont maîtrisés, sont deux sources d'énergie incroyables. Gabrielle en faisait maintenant l'expérience. Il la laissa attaquer, défendant à son tour, appréciant ses mouvements, notant ce qu'elle gagnait en force, ce qu'elle perdait en précision et estimant la durée de ce surcroît d'énergie.

Cela ne dura guère longtemps, mais il en était très content. Elle avait réussi sa première leçon.
Pour ne pas qu'elle tombe il passa sous son bras tandis qu'elle attaquait et l'attrapa par la taille avant de la bloquer.

Stop. C'est bon. C'est fini. Doucement. Reprends ton souffle. Détends-toi. Tu ne risques plus rien. Doucement...

Le Loup se faisait à nouveau doux et protecteur. Sa voix comme ses mains montraient qu'il la protégeait, qu'elle était en sécurité.

Gabrielle fut un peu surprise par ce brusque revirement d'attitude de la part du Loup. Encore haletante après la passe d'armes pour le moins intense, elle eut un petit mouvement de recul, probablement involontaire. Déjà qu'elle était à peine décente, si en plus le bretteur se mettait à poser ses pattes sur elle ! Les joues rougies, et pas uniquement par l'effort, elle parvint néanmoins à bredouiller quelques mots.

- Errm... Ca ira, monsieur Luun... Vous... vous pouvez me lâcher maintenant ! Je ne vais pas m'effondrer... Enfin, normalement.

Le Loup sourit à ses mots. Elle était encore en train d'attaquer. Superbe. Elle avait vraiment de quoi faire une femme pleine de piquant.

-Viens, on va t'asseoir. Tu crois pouvoir tenir, mais c'est la décharge d'adrénaline qui te permettait de ne pas t'écrouler, et elle est maintenant passée.

Luun la fit asseoir sur un banc et s'appuyer contre un pan de bois. Ensuite il se mit à parcourir de ses doigts fins les diverses blessures de Gabrielle. Par acquis de conscience il préférait vérifier même s'il était certain de ne lui avoir infligé rien de méchant.

-Tu ne bouges pas d'ici, je reviens. Je vais aller chercher de quoi nettoyer et panser tes blessures. Ainsi qu'une nouvelle chemise. Je crois que celle-ci n'est plus bonne que pour faire des torchons. Désolé.

Le Loup déposa son arme à côté de Gabrielle et partit par les escaliers, laissant planer derrière lui une légère odeur de transpiration.

La demande était quelque peu superflue : dans son état actuel, la Princesse des Mers ne risquait pas d'aller bien loin, même si elle le voulait. Elle appuya son dos contre un des murs de la salle d'entraînement et se laissa lentement glisser contre ce dernier jusqu'à ce que son auguste fessier atteigne le sol froid. Délicieusement glacé, même. Ce qui n'était pas plus mal, tant l'entraînement et l'examen de ses blessures l'avait laissée cramoisie.

Comme si cela ne suffisait pas, elle s'éventa de son bras libre, sa main d'arme enserrant toujours fermemant son fleuret. A son grand désarroi, elle ne sentait absolument plus le monoï ou la fleur de tiaré. Plus que d'une nouvelle chemise, c'est d'un bon bain qu'elle avait besoin !

La pratique du noble art de l'escrime perdait par la même occasion beaucoup de son côté glamour et romantique. Peut-être qu'avec un peu plus d'expérience, elle parviendrait à enchaîner parades et fentes sans finir en nage ? Elle ne pouvait que l'espérer.