L'orage et ses surprises

"Nyaria... Quel beau prénom vous avez mademoiselle. Je ne sais par contre si la médecine est un art. Je dirais plus un métier, une discipline qu'il m'a fallut apprendre sur le tard. Il m'a fallut choisir entre être celle qui apporte les souffrances, ou apporte le réconfort."

Clémente semble penser à quelque chose, une étincelle s'allumant dans ses yeux, mais elle continuait :

"J'ai également du apprendre à courir pour répondre à toutes les demandes. Une surprise comme une autre de ce métier. Hélas, mon sens de l'orientation est déplorable. Vous n'imaginez pas le nombre de fois où j'ai débarqué à l'opposé d'où j'étais attendue."

Puis, s'abreuve encore un peu.

Clémente constate le regard de Nyaria vers Luun lorsqu'elle parle des combattants peu raisonnables. Son regarde se trouble un peu, se demandant si il faisait parti du genre de personnes à s'en prendre à des innocents sous le prétexte d'un patriotisme idiot. Elle se concentre à nouveau sur les propos de Nyaria, et rougit un peu à sa proposition :

"Vous êtes bien aimable, mais je dois malheureusement avouer que je dispose moi aussi de nombreuses cartes de la région. Je suis sûrement trop distraite pour les lire correctement."

Puis, curieuse :

"Vous dites faire un peu de médecine ? Et quelles sont vos autres qualités ?"

Les mains de Clémente se crispent sur la table à l'écoute des recherches de Nyaria. Elle reste interdite quelques instants, peut-être un peu trop longtemps, avant de questionner :

"Des plantes médicinales dites vous ? Et avez vous fait des découvertes intéressantes ?"

Elle se penche au dessus de la table pour être plus proche d'elle :

"Je veux dire... Quelque chose de vraiment étrange, bien plus fort que la guérison d'un simple bobo ? "

Clémente s'adosse à nouveau à sa chaise. L'étincelle qui avait éclairé ses yeux verts disparu rapidement pour laisser place à une grande tristesse qu'elle n'arrivait plus à chasser. L'espoir l'avait prise au cœur bien trop fort, trop vite. Elle tenta néanmoins de faire bonne figure pour ses hôtes, pour Nyaria qu'il ne fallait pas vexer. Elle se rendait bien compte qu'elle s'était montré trop exubérante sur ce coup là.

"Oh, je me doute bien que vous n'avez pas pu tout explorer encore."

Puis, avec une petite moue :

"Rien de particulier dans ma demande, si ce n'est le désir d'améliorer les soins que je donne à ceux que je croise."

Ses mots sonnaient faux à ses propres oreilles, peut-être parce qu'elle se sentait prise dans un brouillard, à nouveau éloignée de tout ce qui l'entourait.

Clémente faisait son possible pour écouter ce que lui disait Nyaria, mais, si elle discernait le son de sa voix, elle n'en saisissait pas les mots, ni encore moins le sens. Pouvait-on lire en elle la lutte intérieure qu'elle menait pour revenir à la surface ? Toujours est-il qu'elle ne dura qu'un instant, et la bataille fut perdue. Une barrière invisible s'était soudainement construite entre la jeune femme et ceux qui lui faisaient face.

Elle releva brusquement son buste, ses épaules, et planta son regard dans celui de Nyaria :

Pardonnez moi mademoiselle. Cette conversation est très intéressante, vraiment, mais je vais devoir y aller maintenant.

Elle avait dit cela avec une assurance déconcertante, loin de ses habituelles hésitations.

La soupe n'était pas entamée, la pluie était toujours aussi dense dehors, et pourtant Clémente était déjà prête à se lever.

- Mmh ?

Elle sortit alors de ses pensées qui l'occupaient, et qui l'avaient aussi un peu éloignée du moment présent. Comprenant alors ce qu'elle venait de dire, elle eu une petite moue ennuyée, en arrivant à se demander si ce n'avait pas été son égarement qui l'avait ainsi décidée. Un léger coup d'oeil à la table lui indiquait qu'elle partait sans réellement avoir consommé, et le bruit quelque peu étouffé, mais malgré tout présent du déluge extérieur ne laissait aucun doute sur les conditions désastreuses de la météo. Elle demanda, quelque peu hésitante.

- Je vois... Vous êtes certaine de ne pas vouloir rester encore un peu ? Ce n'est même pas un temps à mettre un loup dehors... Je crois qu'il serait plus raisonnable d'attendre au moins un peu que le temps se calme.

Elle regardait Clémente, essayant sans trop d'insistance cependant à déchiffrer son expression afin de comprendre cette soudaine envie de quitter les lieux.

Luun nota derechef le changement de ton de Clémente mais ne sembla pas y réagir d'une quelconque façon. Toujours aimable il reprit la parole:

Le temps dehors est affreux. Je ne vous retiendrai pas pour autant si c'est ce que vous désirez. Toutefois, laissez moi vous suggérer de rester. Si vous souhaitez être tranquille nous avons des chambres libres à l'étage et ma foi, nous pourrions vous en prêtre une. Vous seriez ainsi seule et pourrez vous passer de notre société, si c'est cela que vous souhaitez, sans pour autant avoir à vous battre contre les intempéries.

Debout à présent, Clémente passait une main dans ses cheveux pour leur donner de l'ordre, et observait Luun. Une étincelle de provocation pétillant dans ses yeux, elle lui répondit :

Qui vous dit que je souhaite être seule dans une de vos chambres très cher juge ?

Sans toutefois le quitter du regard, elle réajustait son bustier.

Ce n'est pas la solitude que je cherche vous savez. Ni votre présence que je voudrais fuir. Néanmoins, je suis attendue ailleurs, et j'ai bien peur de devoir affronter cet orage.

La porte s'ouvrit un grand laissant voir la pluie torrentielle qui s'abattait sur les rues de Port Louis.
Kristal, trempée des pieds à la tête, arriva dans la taverne.

Eh bien, qu'est ce qu'il faut pas faire par amour dit elle en râlant, se croyant seule dans la pièce. Et en plus je suis sure qu'il est même pas là, tsss...les hommes.
Quand elle arrêta de bougonner, elle réalisa qu'elle était loin d'être seule.

Oups, excusez moi les loulous, comment allez vous ?

Pas de réponse

Eh oh, je suis là !!

Elle se rendit compte qu'ils étaient tous occupés à discutailler avec une belle demoiselle, et son Luun adoré était biensur en première ligne.

Bon décidément c'est pas ma soirée dit elle en ronchonnant.
Je vais me prendre mon petit chocolat chaud toute seule puisque c'est comme ça, faites comme si j'étais pas là surtout hein !

Luun leva les yeux au ciel et répondit à Clémente sur un ton pas tout à fait froid mais plus vraiment chaleureux:

Dans ce cas faîtes ce que vous devez, mais c'est bien dommage pour cette soupe.

Aussitôt il se retourna et alla aux côtés de Kristal, l'embrassant pour lui dire bonjour et la chatouillant par habitude.

Alors la bougonne, pas si tôt arrivée que tu râles déjà! Notre bon Rohel te délaisserait-il? Si tu veux je peux m'occuper de toi hein..fit-il charmeur mais surtout joueur car il n'aurait pas ainsi agi dans le dos de son frère d'arme.

Kristal afficha son plus beau sourire quand Luun l'embrassa et eut du mal à se retenir de rire sous l'assaut des ses chatouilles. C'était devenu un jeu entre eux, mais elle se remémora une certaine scène où Rohel avait débarqué et les avait trouvé en situation un peu ambiguë.

Allez bas les pattes, arrête, ça va encore mal finir ! Et non je te rassure, Rohel me délaisse pas même si ces fonctions lui prennent beaucoup de temps, ça a l'avantage de me laisser du temps de libre pour jouer dit elle en souriant.

Tu me présentes la jeune femme là bas ?

Le Loup arrêta ses chatouilles rapidement, ne voulant que taquiner Kristal de toute façon. Quand elle lui demanda qui était la jeune femme présente dans la taverne et entourée des autres Loups, il se retourna vers Clémente et la regarda.

Elle....

Le Loup souleva une main en direction de Clémente et la fixa, regardant sa réaction suite à ses derniers propos et le fait que Kristal et lui la regardait. Il coupa sa réponse le temps de voir comment Clémente le prenait.

Luun soupira, plus ou moins de concert à celui lancé par Clémente et emmena Kristal par le coude vers leur invitée.

Kristal je te présente Clémente de Beaufort, une soigneuse française qui s'était ce soir abritée chez nous et s'apprêtait à déguster la merveilleuse soupe aux potirons de Marc quand tout à coup elle s'est souvenue devoir partir. Je crains donc que tu ne puisses guère lui faire la causette mais bon, au moins aurais-je pu vous présenter.

Clémente, le loup la regarda et tendit la main vers l'ancienne louve, je vous présente Kristal, une amie lyssoise.

Soit elle avait des hallucinations, soit le loup avait un soudain problème avec elle. Piquée à vif, elle souriait néanmoins à Kristal :

Enchantée mademoiselle. Cela aurait été un plaisir de converser avec vous, contrairement à ce que peut laisser penser votre ami.

Elle jeta un regard bref mais non moins provocateur à Luun, avant de continuer :

Mais je crains qu'un petit garçon dehors ne soit pas des plus compréhensif si je le laisse encore longtemps seul.

Sur ce, elle posa quelques pièces sur la table, et rangea sa bourse.

Luun regarda Clémente avec un air pas moins provocateur. On aurait presque pu s'attendre à le voir lui tirer la langue. Il ferma les poings en l'entendant parler de petit garçon, une fraction de seconde avant de les desserrer. Il ouvrit la bouche, hésita puis haussa les épaules en la voyant déposer de l'or sur la table.

Payer et ne pas consommer.. c'est gâcher. Et le petit hein, outre qu'il doit se détremper, n'a-t-il pas droit à manger lui?

Il pensait à quelque chose cependant qu'il parlait et il se demandait ce que pouvait répondre cette femme, cette autre Clémente. Car pour lui, il y avait bien deux personnes à se partager son esprit blessé.

Clémente était furieuse, et elle ne manqua pas de le faire remarquer. Peu importe si elle se trouvait dans l'antre des loups, et donc au milieu de ses amis. Elle prit une cape dans son sac et se planta face à Luun, les yeux brillant de colère :

Non mais de quoi je me mêle ? Vous vous prenez pour qui pour discuter l'éducation que je donne à mon fils ?

Tout en enfilant sa cape avec des gestes nerveux, elle continuait :

Est-ce que je viens dans votre tribunal vous dire comment juger les pauvres que vous tenez entre vos mains ?

D'un pas énervé elle prit la direction de la sortie, avant de rebrousser chemin et de revenir vers Luun, pointant un doigt accusateur :

Et depuis quand un client d'une taverne se fait critiquer quand il quitte les lieux ?

Le ton montait, le ton monta.

Mais c'est vous qui prenez cela comme une agression alors que je ne faisais que poser une question! N'est-il pas normal que je m'inquiète pour lui? Est-ce si inhabituel qu'un homme prenne soin de femme ou d'enfants?

Clémente partait quand elle fit demi-tour et revint se poser face à lui. Lorsqu'elle le pointa il avança, jusqu'à ce que son torse touche sa main et répondit, son visage bien près du sien d'une voix tranchante.

Depuis que l'antre n'accueille pas des clients, mais des invités, des connaissances ou encore des amis.

Le Loup fusillait Clémente, entrant cette fois dans son jeu, sans y réfléchir, simplement parce que cette fois il n'avait pu se retenir.