Rodolphe s'arrêta sur le perron de la lourde porte de chêne qui protégeait ce bâtiment familier où il n'était entré qu'une fois. Il ne frappa pas tout de suite, et pris le temps d'observer l'état de l'entrée, car il se rappellait que la porte avait été renforcée depuis les attaques anglaises, il y a environ deux mois de cela. Elle semblait encore plus solide depuis lors...
Le jeune homme se pencha et frappa trois coups répétés et sonores contre le bois, et se recula. Il ne savait plus si la porte souvrait de l'intérieur ou de l'extérieur... Après seulement quelques secondes, il entendit des pas traîner dans le couloir, et un homme ouvrit la porte à moitié, l'observant l'air bougon.
"Bonjour, c'est pour quoi?" fit le tavernier en l'observant d'un oeil torve et suspicieux.
Rodolphe ne fut pas le moins du monde impressioné, ni destabilisé. L'association étrange de sa couleur de peau et de son élégance luxueuse avaient déclenché bien de l'animosité auparavant, mais il devinait que si l'homme à tout faire d la guilde des Loups d'Azur lui jettait un tel regard, c'était moins par rapport à son apparence que du fait qu'il était un étranger. Il fit une révérence brève, ôtant son vieux tricorne, laissant ses longs cheveux bouclés lui couler sur le visage, avant de se remettre droit.
"Bonjour. Je suis venu rendre visite à Luun. Je suis une ancienne connaissance," expliqua le jeune homme comme pour mieux dissiper le doute chez son interlocuteur. "Je suis déjà venu ici" crut-il bon d'ajouter, sachant que cela réveillerait peut-être la mémoire de l'homme qu'il avait déjà vu auparavant.
Il resta muet au départ, son regard jaugeant de haut en bas le jeune corsaire, non pas avec mépris, mais avec le stoïcisme calme du garde devant les aspects curieux de son devoir. Finalement, il fit un pas en arrière et ouvrit totalement la porte.
"Donnez vous la peine. Mon maître vous attend depuis plus de quelques mois. Pensait que vous étiez mort mes avis," fit-il sans familiriaté, mais sans grande marque de respect.
Rodolphe acquiesça sans rien dire, car il savait que l'homme n'avait pas parlé pour faire la conversation, et entra. Après avoir fermé la clé à double tour, l'homme partit en direction de la salle d'accueil et Rodolphe lui emboîta le pas sans rien dire jusqu'à destination.
"Vous voilà arrivé. J'vais appeler le chef, il verra s'il peut vous recevoir."
Rodolphe acquiesça à nouveau la tête, et suivit du regard l'homme jusqu'à ce qu'il s'enfoncât dans les méandres de la tanière des loups d'azur. Puis, d'un air désinvolte, il se retourna et observa la pièce.
Les mois n'avaient laissé aucune marque sur l'endroit semblait-il, à moins que sa mémoire lui jouait des tours et que les souvenirs, allant en s'érodant, s'effacaient sous l'influence du présent. Il eut une moue élégante, tira ses gants d'un geste nonchalant avant de s'affaler dans un fauteuil, attendant le retour ou de Luun, ou de l'homme à tout faire.
Ven 8 Aoû - 6:50